23/11/2016, Patrick Girard

La transformation digitale, est présentée comme une nécessité vitale pour les assurances et les mutuelles sous peine de disparaitre de la "terre assurantielle" ou d'être marginalisées.

Bien sûr, ce changement est, à plus ou moins long terme, inévitable, compte tenu :

  • Des interactions multicanales des clients avec leurs prestataires d'assurance ;
  • Du champ immense qui pourrait s'ouvrir en termes de nouveaux services via l'émergence de l'internet des objets (automobile, habitation, santé, aide à la personne), … ;
  • De la capacité offerte par les technologies Big Data et l'intelligence artificielle qui se développe progressivement à exploiter l'ensemble des informations (internes/ externes).

Mais dans le même temps, dans quel état sont les systèmes de gestion et de pilotage des entreprises d'assurance et des services financiers ?

 

Une structure qui reste "le produit", avec peu ou pas de dimension clients.

Une incapacité à intégrer dans les processus métiers, un fonctionnement "en partenariat avec des tiers" dans un environnement multicanaux - multi acteurs.

Reflets des "modes" qui se succèdent  depuis l'émergence de l'informatique d'entreprise :

  • Programmes "maison" cobol (toujours utilisés…),
    Infocentres (photos d'une situation) sans vision dynamique des opérations,
  • Bases de données multiples et plus ou moins multidimensionnelles,
  • Progiciels achetés pour "réduire les coûts" mais tellement détournés pour s'adapter aux spécificités qu'ils ne sont plus maintenables par les éditeurs…,
  • Entrepôts de données (datawares/datamarts) que l'on multiplie pour répondre à des besoins "différents" et toujours "indispensables" et qui alimentent de multiples systèmes de pilotage.
  • Opérationnels,
  • Maîtrises d'ouvrages,
  • Equipes informatiques

sont souvent tétanisés à l'idée d'intervenir sur ce "plat de spaghetti" que plus personne ne maîtrise et qui n'a cessé de se complexifier au fil du temps.

Dans ces conditions, que devient la "révolution digitale" que l'on nous promet en matière de connaissance clients et de pilotage des activités ?

  • Une strate de plus dans ce patchwork informatique ? déposée délicatement par-dessus les autres en espérant que l'édifice tiendra assez longtemps pour que ceux qui l'auront vendu puissent s'éloigner sans l'entendre s'effondrer ?
  • Une mode de plus ?
  • Une "complication" (au sens horloger) supplémentaire pour tenter de donner une orientation client au pilotage de l'entreprise ?

 

Plutôt que de vouloir à tout prix maintenir ce paradigme à bout de souffle, il me semble qu'il serait plus judicieux d'engager une réflexion autour d'un système de connaissance clients et de pilotage fondé sur les besoins nouveaux ou renouvelés des clients et des partenaires.

 

Celle-ci doit être menée en trois temps :

Définir ce que l'on veut faire de ces données nouvelles

Pas dans l'optique de vendre, à court terme, "plus des mêmes produits" mais en imaginant des services à valeur ajoutée, à partir des attentes nouvelles :

  • Des clients ;
  • Des partenaires de la chaine de valeurs de l'assurance :
    • Constructeurs automobiles,
    • Prestataires de la maison ou de la santé : médecins, réseaux professionnels de santé, activités sportives, transports, nourriture, …)
Aller vers des choix forts et novateurs

En ne se limitant pas à quelques slogans convenus :

  • N° 1 de l'assurance de demain,
  • X% de croissance dans les 3 ans),

Mais en intégrant les impacts sur l'organisation, les processus et les systèmes d'information de tout ce champ digital nouveau.

En particulier, il faut intégrer à la réflexion, la construction d'un Système d'Information rénové, en parallèle du système existant, s'il s'avère (mais peut-on en douter ?) que sa modification serait trop complexe ou coûteuse.

L'ensemble devra être décliné dans une feuille de route pluriannuelle afin d'en valider la robustesse et la cohérence.

Cette étape et la réflexion sur les usages peuvent être combinées en fonction du niveau de connaissance que l'entreprise peut avoir de ses données et du niveau d'ouverture qu'elle souhaite engager vers des partenaires.

 

Prendre en compte les nouvelles dimensions d'analyses

Enfin, il convient de reposer les bases d'un nouveau système de pilotage des clients et des produits en anticipant, autant que possible, les "mises en relation" que les nouvelles dimensions d'analyses offriront.

Dans un environnement qui évolue toujours plus vite, il faut penser, aussi, à rester réactif et à permettre d'intégrer de nouveaux besoins pas encore qualifiés...

 

 

Les compagnies d'assurances peuvent-elles continuer à consacrer 50 % de leurs budgets informatiques à "le maintenir" et 75% de l'énergie des équipes marketing, clients et contrôle de gestion à compiler des chiffres avant de pouvoir les exploiter ?

Lorsqu'un constructeur automobile lance un nouveau véhicule, il créé l'usine qui va avec ou il adapte très fortement sa ligne de production…

Il me semble que le secteur de l'assurance dispose de toutes les compétences pour faire de même, voire mieux encore, s'il accepte de se remettre en cause.